La première concurrente femme est arrivée dans la nuit : il s'agit d'Annemarie Gross, quarante ans, originaire du Haut-Adige, mais aussi sœur du vainqueur Ulrich. Elle a franchi la ligne d'arrivée à 5 h 30 en même temps que Matteo Bertoli. Annemarie est donc parvenue à se hisser à la quatrième place du classement général. Tout d'abord, pendant la première partie de l'épreuve, Annemarie Gross a maintenu une allure constante, sans se laisser influencer par la tactique de ses redoutables adversaires, l'allemande Julia Boettger (2^e femme et 10^e au classement général toutes catégories confondues), la française Corinne Favre, encore en course, et la canadienne Jen Segger, pour qui le Tor des Géants a marqué le premier abandon de sa carrière sportive.
La progression d'Annemarie a été constante, dépassant de nombreux concurrents, dont, à la moitié du parcours, son adversaire allemande. Après le départ, elle ne s'est accordée du repos que la seconde nuit, avec une demi-heure de sommeil suivie d'autres arrêts, pour un total de 3 heures et demi de sommeil sur 91 heures de course. Très différente, la tactique de son frère a privilégié les micro-sommeils de quelques minutes, pendant lesquelles il ne dormait pas vraiment et, au cours de l'épreuve, il n'a décidé de dormir qu'une seule fois, à la base de vie de Gressoney, où il est resté dans un état de demi-sommeil durant 70 minutes. Ce n'est que lorsqu'il sentait que la fatigue devenait trop lourde qu'il s'accordait ces micro-sommeils : la première nuit, alors qu'il pleuvait, c'est sur l'herbe d'un pré qu'il a choisi de se reposer, bercé par l'agréable ruissellement de la pluie sur sa veste imperméable. Les moments de repos de l'athlète n'ont donc été que de 120 minutes sur un total de 80 heures de course.
L'un des secrets des Gross sont les bains de pieds froids (bains Kneipp), une thérapie développée au siècle dernier par le père Sebastian Kneipp et très populaire dans leur région d'origine. Lors de leurs arrêts dans les bases de vie, mais pas à toutes, pour se nourrir, ils se rinçaient les pieds à l'eau froide pendant quelques minutes. Les basses températures ont permis de décongestionner leurs pieds gonflés, apportant une nouvelle sensation de bien-être au moment de la reprise de la course.
Les deux vainqueurs ont également été en mesure d'exploiter la technologie : en effet, pour connaître en temps réel leur avance sur leurs adversaires, ils étaient en contact téléphonique avec leurs conjoints respectifs, qui, de chez eux, le leur communiquaient en consultant le classement disponible sur le site Internet http://www.tordesgeants.it/, mis à jour en temps réel d'après les temps relevés lors des passages.
La superbe nature immaculée du territoire des hautes routes, où se déroule la course, a montré toute sa splendeur, notamment avec la rencontre inopinée de nombreux animaux sauvages le long du parcours. Les deux vainqueurs nous ont raconté leurs curieuses expériences : Annemarie a rencontré un troupeau de chèvres qui, attirées par son odeur, la suivaient en lui léchant les mollets. Pour éviter que les animaux ne l'entourent et la fassent tomber, elle a dû accélérer pendant un long moment avant de les semer. Ulrich, en revanche, a rencontré, dans l'obscurité, un chamois de petite taille - par chance - qui l'empêchait de poursuivre sa route sur un chemin étroit, délimité par un ravin d'un côté et une paroi rocheuse de l'autre. L'athlète a été contraint, pour déplacer l'animal, qui, immobile, n'était pas apeuré, de le saisir par les cornes et le faire pivoter sur la partie du sentier qu'il avait déjà parcourue.
À l'heure actuelle, les 180 concurrents encore en course tentent d'arriver à Courmayeur avant le samedi 18 à 16 heures, avec de bonnes probabilités de réussite.